« La Cour de Justice de l’Union Européenne s’est prononcée le 8 mars 2017, dans l’affaire Euro Park Service (aff. C-14/16), sur la conformité au droit de l’Union de l’agrément prévu à l’article 210 C du CGI, auquel est subordonné le régime fiscal de faveur pour les opérations d’apports effectuées au bénéfice de sociétés étrangères.
La Cour de justice a considéré que le dispositif français méconnaissait à la fois la directive qu’il est réputé transposer en droit interne et, au-delà, la liberté d’établissement au sein de l’Union européenne.
En l’absence de modalités procédurales particulières prévues par la directive, la France peut prévoir une procédure de contrôle a priori ou a posteriori des opérations de restructuration placées sous le régime de faveur, notamment afin de s’assurer que ces opérations n’ont pas comme objectif principal ou comme l’un des objectifs principaux la fraude ou l’évasion fiscale, conformément à la clause anti-abus de la directive.
Toutefois, cette procédure ne doit pas être moins favorable pour les opérations transfrontalières que pour les opérations similaires internes (principe d’équivalence), ni rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’application du régime de faveur (principe d’effectivité).
En particulier, sur le principe d’effectivité, la Cour considère que les dispositions en cause ne sont pas suffisamment précises, claires et prévisibles pour permettre aux contribuables de connaître avec exactitude l’étendue de leurs droits ; de plus, l’appréciation des critères est susceptible de varier au gré de la “pratique” de l’administration fiscale française ; enfin, le refus d’agrément n’est pas toujours motivé, ce qui ne permet pas de répondre à l’exigence de sécurité juridique.
Quant aux conditions de délivrance de l’agrément, la Cour critique, en premier lieu, l’extension de la réserve de compétence prévue par la directive : alors que la directive pose comme principe le sursis d’imposition en cas d’opération de fusion et assimilées et ne permet qu’à titre exceptionnel d’y déroger, dans l’hypothèse où l’opération aurait comme objectif principal ou l’un des objectifs principaux la fraude ou l’évasion fiscale, l’article 210 C du CGI prévoit le respect de trois conditions cumulatives (la justification d’un motif économique, se traduisant notamment par l’exercice de la société bénéficiaire de l’apport d’une activité autonome ou l’amélioration des structures, ainsi que par une association entre les parties ; l’absence d’objectif principal de fraude ou d’évasion fiscale ; la garantie de ce que les modalités de l’opération permettront l’imposition future des plus-values en sursis d’imposition en France), allant au-delà de ce qui est autorisé par la clause anti-abus de la directive.
De plus, si la directive permet d’instituer une présomption de fraude exclusivement en l’absence de motifs économiques valables, elle ne permet pas, comme le fait le dispositif français, de généraliser cette présomption « sans que l’administration fiscale [ne] soit tenue de fournir ne serait-ce qu’un commencement de preuve de l’absence de motifs économiques valables ou d’indices de fraude ou d’évasion fiscale ». On notera que ce même argumentaire a été soulevé par l’avocat général dans l’affaire pendante devant la Cour relative à la clause anti-abus de l’article 119 ter CGI qui exonère de retenue à la source les dividendes versés à des sociétés mères établies dans l’Union européenne.
Enfin, et dans la mesure où les opérations d’apport transfrontalières sont traitées moins favorablement que les mêmes opérations entre entités soumises à l’impôt en France, la Cour constate une entrave à la liberté d’établissement au sein de l’Union européenne, sans que cette entrave ne puisse être justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général, qui seraient proportionnées à l’objectif poursuivi.
Au regard de la présente décision, il est permis de considérer que les opérations d’apport au bénéfice de sociétés établies dans l’Union européenne peuvent aujourd’hui, et dans l’attente d’une modification éventuelle du dispositif du 210 C du CGI, s’exonérer de l’obtention de l’agrément préalable prévu par l’article 210 C du CGI, même si, bien entendu, le respect des conditions de fond et de forme pour le bénéfice du régime de faveur devra en tout état de cause être assuré, et pourra faire l’objet d’un contrôle a posteriori par l’administration fiscale française.
Reste ouverte la question de la réforme de l’article 210 C du CGI : le principe d’un agrément préalable sera-t-il maintenu ? Dans l’affirmative, quel sera le champ d’application, les conditions et modalités de mise en œuvre de cette procédure préalable ? Un chantier sans doute complexe, pour en garantir la compatibilité avec le droit communautaire, compte-tenu des exigences rappelées par la Cour de Justice de l’Union Européenne… »