« La détermination du juste taux de rémunération d’emprunts ou d’avances entre des entités appartenant à un même groupe est un des sujets aigus de litiges avec l’administration fiscale.
Une décision du Conseil d’Etat du 19 juin 2017 (Société GE Money Bank), qui confirme l’arrêt de la CAA de Versailles du 28 mai 2015, vient apporter des précisions intéressantes sur la grille d’analyse du juge, étant noté que cette décision concerne l’exercice 2006, c’est-à-dire une période antérieure à l’actuel article 212 I du CGI, qui met à la charge de l’emprunteur la preuve que le taux auquel il emprunte auprès d’une partie liée est effectivement un taux de marché.
Sous l’empire de la législation antérieure à 2007, la dialectique de la preuve plaçait en principe du côté de l’administration fiscale la démonstration que le taux n’était pas un taux de marché, puisqu’il s’agissait pour elle de prouver l’existence d’un acte anormal de gestion si le taux était selon elle supérieur au taux auquel l’emprunteur aurait pu se financer auprès d’un tiers.
Nous retenons de cette décision, en résumé, trois enseignements, qui, à notre sens, devraient être transposables dans le cadre législatif d’aujourd’hui :
Le Conseil d’Etat confirme la convergence entre l’approche « prix de transfert » et l’approche de justification du taux de marché dans un contexte national, y compris dans le cadre de prêts entre sociétés appartenant à un même groupe d’intégration fiscale français, en retenant la pertinence des synthèses constituées les agences de notation et la possibilité de comparer la situation d’une société avec « les données moyennes du secteur d’activité qui est le sien » ;
Néanmoins, l’importance des données propres au débiteur telles que la stabilité de sa politique financière à long terme, la rentabilité et la profitabilité des capitaux qu’il investit, ses liquidités, ses marges de manoeuvre financière, son positionnement concurrentiel ou encore de la qualité de ses salariés et de ses dirigeants, est également réaffirmée ;
Il en résulte que l’appartenance d’une société à un groupe et le soutien éventuel qui pourrait lui être apporté au sein du groupe ne suffisent pas à en eux-seuls pour évaluer son risque de défaut. En d’autres termes, une filiale peut avoir des caractéristiques propres qui justifient un taux plus élevé que celui auquel emprunterait sa mère si le risque de défaut de cette dernière est moindre.
Il est notable que le Conseil d’Etat a pris le soin de rappeler dans un considérant de principe que : «Le caractère normal ou anormal de la rémunération des prêts contractés par une entreprise auprès d’une autre entreprise à laquelle elle est liée doit être apprécié par rapport à la rémunération que l’emprunteur devrait verser à un établissement financier ou un organisme assimilé auquel cette entreprise n’est pas liée et emprunterait, dans des conditions analogues, des sommes d’un montant équivalent. » Ce considérant rappelle la rédaction actuelle de l’article 212 I du CGI par sa référence aux établissements financiers et assimilés.
Mais, comme on le sait, l’administration fiscale exige, dans sa doctrine publiée et plus encore dans sa pratique, que les contribuables apportent la preuve du taux de marché par la production d’une offre de prêt effective d’un établissement de crédit.
Espérons que cette décision annonce également une application plus mesurée de la loi permettant l’utilisation de modes de preuves correspondant à la grille d’analyse établie par le juge pour la période antérieure. «