Le Conseil d’Etat affirme pour la première fois que, lorsqu’un revenu de source française est versé à une personne qui n’en est pas le bénéficiaire effectif mais seulement le bénéficiaire apparent, la convention fiscale applicable à ce revenu est celle conclue entre la France et l’Etat de résidence fiscale du bénéficiaire effectif (CE 20 mai 2022, n° 444451, Sté Planet).
Par le passé, le Conseil d’Etat s’est régulièrement exprimé sur la mise en œuvre de la clause de bénéficiaire effectif des conventions fiscales s’agissant du versement de revenus passifs de source française ; toutefois, ces décisions explicitaient la remise en cause de l’avantage octroyé par la convention fiscale liant la France à l’Etat de résidence du bénéficiaire apparent des revenus, sans que ne soit tranchée la question subséquente de l’application de la convention liant la France à l’Etat de résidence fiscale de la personne qui en était le bénéficiaire effectif (v. not. CE, 3e et 8e ss-sect., 29 déc. 2006, n° 283314, min. c/ Sté Bank of Scotland et CE, 9e et 10e ch., 5 fév. 2021, n° 430594 et 432845, min. c/ Performing Rights Society).
C’est désormais chose faite : l’application de la convention fiscale entre la France et l’Etat du bénéficiaire effectif n’est pas une faculté mais une obligation qui s’impose au contribuable comme à l’administration fiscale, sous réserve que le bénéficiaire effectif du revenu (s’il est différent du bénéficiaire apparent) soit identifié et reconnu comme tel.
Ainsi, dans les cas où l’administration connaît l’identité du bénéficiaire effectif, elle doit appliquer la convention avec l’État de résidence de celui-ci et ne peut s’opposer à l’application de cette convention.
Lorsque l’administration ne connaît pas l’identité du bénéficiaire effectif mais démontre que le bénéficiaire apparent n’est pas le bénéficiaire effectif, elle peut refuser d’appliquer la convention avec l’État du bénéficiaire apparent et appliquer les dispositions de droit interne ; mais le contribuable pourra alors, s’il y a intérêt, se prévaloir de la convention conclue avec l’État de résidence du bénéficiaire effectif, en apportant les éléments permettant de l’identifier comme étant le bénéficiaire effectif.
Enfin, lorsque l’administration ne connaît pas l’identité du bénéficiaire effectif mais ne dispose pas d’éléments pour contester que le bénéficiaire apparent est le bénéficiaire effectif, elle doit appliquer la convention avec le bénéficiaire apparent ; le contribuable pourra toujours, s’il y a intérêt, apporter les éléments d’identification du bénéficiaire effectif afin que soit appliquée la convention fiscale conclue par la France avec l’État de résidence de celui-ci.
Voilà de bonnes raisons d’être confiant sur l’évolution des échanges dans le cadre des contrôles fiscaux ainsi que sur l’issue des contentieux en cours : l’identification du bénéficiaire effectif des revenus passifs, s’il est différent du bénéficiaire apparent, permettra une application sereine des avantages conventionnels, toutes les fois où celui-ci est résident d’un pays ayant signé une convention fiscale bilatérale avec la France, qui bénéficie, on peut s’en réjouir, du réseau conventionnel le plus étendu au monde, avec 120 conventions !