Le 9 juin 2022, la Cour administrative d’appel de Versailles (CAA Versailles, 9 juin 2022, N°19VE03130) est venue compléter la jurisprudence déjà fournie sur le sujet de l’imputation des pertes générées à l’étranger.
Si le principe de l’imputation des pertes définitives d’une succursale avait été acté par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) dans sa décision Bevola (CJUE, 12 juin 2018, C-650/16), l’enjeu majeur concernait la démonstration du caractère définitif de ses pertes.
En l’espèce, une société française avait sollicité l’imputation du stock de déficits reportables de sa succursale luxembourgeoise, lors de sa fermeture, sur le résultat de l’une de ses filiales intégrées. L’administration lui a refusé cette imputation et la société a alors saisi le juge. Si le tribunal administratif de Montreuil avait donné raison à la société, l’administration avait décidé de saisir la Cour administrative d’appel.
Dans sa décision du 9 juin 2022, la Cour administrative d’appel de Versailles reprend les principes issus de la jurisprudence Bevola traitant du cas des succursales et juge ainsi que les pertes subies par un établissement stable étranger sont imputables dès lors que la société qui le détient « a épuisé toutes les possibilités de déduction de ces pertes que lui offre le droit de l’État membre où est situé cet établissement et que, d’autre part, elle a cessé de percevoir de ce dernier une quelconque recette, de sorte qu’il n’existe plus aucune possibilité pour que ces pertes puissent être prises en compte dans cet État membre ».
Mais c’est principalement sur le caractère définitif des pertes que cet arrêt vient apporter des précisions utiles et ce d’autant plus qu’à la suite du refus d’admission d’un pourvoi dirigé contre l’arrêt de la Cour administrative d’appel dans l’affaire Barrière, il semble acquis que la preuve du caractère définitif relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.
Si, s’agissant de filiales étrangères déficitaires, il ne semble pas possible à ce stade de présenter une grille de lecture qui permette d’éclairer définitivement le contribuable sur la caractère définitif ou non des pertes (pour l’absence de caractère définitif : CAA Versailles 23-6-2020 n° 19VE01012, TA Montreuil 11-2-2021 n° 1804038; pour la démonstration du caractère définitif : TA Montreuil 11-2-2021 n° 1808706), la situation semble heureusement plus claire s’agissant de succursale.
En effet, conformément aux décisions européennes, le caractère définitif de ces pertes est subordonné à l’impossibilité de les valoriser. Dans le cas d’une succursale, selon la Cour, une telle impossibilité est constatée de fait dans la mesure où cette dernière ne possède pas la personnalité juridique et ne peut céder que ses éléments d’actifs, parmi lesquels ne figurent pas les attributs fiscaux.
Enfin, la Cour d’appel prend soin de préciser que l’imputation est possible pour toutes les pertes cumulées et non seulement pour celles constatées lors de l’exercice de liquidation. Une position contraire aurait, à coup sûr, vidé de son sens toute la construction jurisprudentielle sur la question de l’imputation des pertes étrangères.
Cette solution favorable au contribuable était attendue et offre une application concrète des jurisprudences Marks & Spencer et Bevola au cas particulier des succursales étrangères. Reste désormais à savoir si l’administration décidera ou non de se pourvoir devant le Conseil d’Etat.
Alexandre Rocchi, Associé
Virginie Leprizé, Manager