Dans une décision du 18 janvier 2018¹, le tribunal administratif de Paris a confirmé la remise en cause par l’administration de la déductibilité des intérêts d’un prêt d’actionnaire majoritaire consenti dans le cadre d’un LBO. Cette décision conforte ainsi l’administration dans sa position stricte consistant, en pratique, à exiger de façon systématique une offre de prêt d’une banque, préalable et ferme, pour justifier que le taux d’intérêt pratiqué est un taux de marché au sens de l’article 212-I du Code général des impôts.
Pour rappel, cet article dispose que le taux de marché correspond au taux que l’« entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d’établissements ou d’organismes financiers indépendants dans des conditions analogues ». A défaut de précision légale, se pose la question des moyens permettant d’en rapporter la preuve.
Au cas particulier, la société Studialis disposait de nombreux éléments concordants permettant de soutenir que le taux pratiqué était un taux de marché, à savoir une offre préalable (mais a priori non ferme) portant sur des instruments ayant des caractéristiques identiques de la part de la banque ayant consenti à la société un prêt Senior, l’attestation d’une autre banque confirmant qu’elle aurait prêté à un taux supérieur ou égal, un rapport d’expert indépendant et un benchmark confirmant que le taux pratiqué était même inférieur aux taux du marché sur la même période.
Le tribunal administratif donne toutefois raison à l’administration en affirmant que la société « n’apporte aucun élément établissant de manière certaine le taux dont aurait bénéficié la société auprès d’un établissement de crédit, ou organisme indépendant, tel que, notamment, une offre de prêt effective et contemporaine des opérations, prenant en compte ses caractéristiques propres ».
Cette décision apparait en contradiction avec certaines décisions antérieures sur ce sujet², ayant rappelé que la preuve permettant de justifier le caractère de taux de marché est libre et que les sociétés peuvent donc, grâce à des éléments précis, circonstanciés et concrets, justifier la déduction des intérêts encourus sur leurs prêts d’actionnaires.
Il conviendra donc d’attendre l’arrêt d’appel et celui, le cas échéant, du Conseil d’Etat, pour apprécier la portée réelle de cette décision.
A ce titre, il est à espérer que la position des juges sera en ligne avec celle adoptée dans le cadre de l’ancienne version de l’article 212-I du CGI³: il a ainsi été jugé que le caractère normal ou anormal des taux pratiqués sur les prêts consentis entre entreprises liées doit s’apprécier au regard de la rémunération que l’emprunteur devrait verser à un établissement financier auquel il n’est pas lié et emprunterait, dans des conditions analogues, des sommes d’un montant équivalent. Dans ce cadre, la Haute Juridiction a validé le taux appliqué par le contribuable sans exiger d’offre ferme d’un établissement financier.
En l’état, la décision du tribunal administratif de Paris revient, selon nous, à nier la dialectique de la preuve qui devrait s’instaurer devant le juge administratif et ajouter une nouvelle condition à la loi, en exigeant systématiquement une offre préalable et ferme d’une banque pour sécuriser la déduction des intérêts encourus sur un prêt d‘actionnaire majoritaire, soit une preuve quasi-impossible en pratique dans la mesure où elle nécessite d’avancer les négociations avec une banque jusqu’à la réunion du comité de son crédit, tout en sachant que l’offre sera finalement rejetée par la société.
1. TA Paris, 18 janvier 2018, n° 1717553/1-2, Sté Studialis
2. TA Bordeaux, 13 novembre 2014, n°1302599, SNC Siblu – voir toutefois CAA Bordeaux, 4 avril 2017, n°15BX01177 ; TA Montreuil, 30 mars 2017, n° 1506904, Sté BSA
3. CE 19 juin 2017, n°392543 Stés General Electric France et General Electric Capital