Dans une décision du 8 novembre 2019 (CE, 8èmeet 3èmech., 8 novembre 2019, n°430543, min. c/ Sté Masterfoods Holding SAS), le Conseil d’Etat a jugé que les revenus en provenance d’une société de droit allemand constituée sous la forme d’une GmbH & Co. KG, par son associée commanditaire française, entrent dans le champ d’application de l’article 4(3) de la convention fiscale franco-allemande. En conséquence, ces revenus ne sont imposables qu’en Allemagne lorsque la KG n’a aucune activité en France.
Fait et procédure
La SAS Royal Canin a fait l’objet en 2009 d’une vérification de comptabilité. Au cours des exercices 2006 et 2007, elle avait notamment perçu une somme de 19 millions d’euros correspondant à sa quote-part des bénéfices sociaux de la société allemande Royal Canin Tiernahrung GmbH & Co. KG, dont elle était associée commanditaire. Ces revenus, déduits extra-comptablement par la société française, n’avaient fait l’objet d’aucune imposition en France.
Cependant l’administration a regardé ces produits comme des revenus distribués de la filiale allemande, imposables sur la base du droit interne français (article 120 du CGI). Ensuite, elle a considéré que la convention fiscale franco-allemande ne faisait pas obstacle à l’imposition de ces produits en France : si ces revenus ne pouvaient pas être traités de dividendes au sens de l’article 9 de la convention, l’article 18 attribuait à la France le droit d’imposer les revenus non mentionnés par ailleurs.
Les revenus étant taxables en France, l’administration avait tout de même constaté que la société française remplissait les conditions pour bénéficier du régime des sociétés mères. Par conséquent, les produits perçus par la SAS Royal Canin pouvaient être retranchés de son résultat, sous réserve de l’imposition d’une quote-part de frais et charges de 5%.
Contestant cette analyse, la société française avait obtenu la décharge des impositions devant le Tribunal administratif de Montreuil. La Cour administrative d’appel de Versailles avait ensuite rejeté le recours formé par l’administration et confirmé le jugement.
La solution du Conseil d’Etat
Saisi d’un pourvoi en cassation par l’administration fiscale, le Conseil d’Etat a tout d’abord recherché le type de société française auquel la société de droit étranger est assimilable. Il a estimé qu’au regard de l’ensemble de ses caractéristiques, la GmbH & Co. KG de droit allemand est assimilable à une société en commandite simple française.
La question du droit d’imposer les revenus perçus en France en provenance d’une société en commandite simple n’est pas explicitement traitée par le Conseil d’Etat. Le deuxième paragraphe de l’arrêt suggère cependant implicitement que ce droit d’imposer existe sur le fondement de l’article 205 du CGI.
Enfin, le Conseil d’Etat confirme que l’article 4 (3) de la convention fiscale franco-allemande fait obstacle à l’imposition de ces revenus en France.
Cet article fait expressément mention aux participations d’un associé aux bénéfices d’une entreprise constituée sous la forme de société en commandite simple. Or l’article 4 (3) stipule que les revenus provenant de participations d’un associé aux bénéfices d’une société en commandite simple ne sont imposables que dans l’Etat où l’entreprise en question a un établissement stable, en proportion seulement des droits de cet associé dans les bénéfices dudit établissement. On peut d’ailleurs noter que la convention ne fait pas de distinction selon que le bénéficiaire des revenus est un associé commanditaire ou commandité.
Le Conseil d’Etat en conclut que les revenus perçus par la SAS Royal Canin correspondant à sa quote-part des bénéfices sociaux de la société allemande Royal Canin Tiernahrung GmbH & Co. KG sont exclusivement imposables en Allemagne. Ce faisant, elle écarte l’application des articles 9 (Dividendes) et 18 (Revenus non spécialement visés).