Par une décision très attendue rendue en formation plénière le 24 avril 2019, le Conseil d’Etat abandonne sa jurisprudence Lupa (CE, plén. fisc., 24 avr. 2019, n°412503, Min. c/ Sté Fra SCI). Dans l’affaire Lupa (CE, 8e et 3e s.-s., 6 juil. 2016, Ministre des finances c/ SARL Lupa Immobilière France, n°377904), il avait jugé que le dispositif de correction du prix de revient fiscal issu de la jurisprudence Quemener ne trouvait à s’appliquer à une opération de dissolution sans liquidation (« TUP ») qu’à la condition que la TUP génère effectivement une imposition de la société confondante, au prix d’un étonnant concept de double imposition juridique.
Cette décision, très critiquée, avait remis en cause une opération communément admise par la pratique, de nombreuses fois confirmée par l’administration (notamment rescrit RES n° 2007/54 (FE) du 11 décembre 2007 publié au BOFiP), qui permettait de neutraliser la plus-value latente sur l’immeuble hérité d’un précédent cédant à l’issue de la TUP de la SCI propriétaire de l’immeuble. Sur ce fondement, la cession sans décote de fiscalité latente des SCI était devenue une pratique de marché courante.
Dans cette nouvelle affaire Fra SCI, le Conseil d’Etat a opéré un revirement en supprimant la condition de double imposition effective de l’associé réalisant la TUP, suivant les conclusions de son rapporteur.
Cette nouvelle position annule donc la précédente, renvoyant l’arrêt Lupa à une décision d’espèce. Dès lors, la société confondante serait en mesure de neutraliser à nouveau la plus-value latente existant sur les actifs de la SCI confondue. Elle devra ainsi prendre en compte le profit de réévaluation qui a été constaté par la SCI pour la détermination de la plus-value d’annulation des titres de cette société, peu importe à cet égard que les titres de la SCI soient inscrits à l’actif de la société confondante pour leur valeur réelle ou comptable.
Il faudra attendre les commentaires précis sur l’affaire et leur analyse plus détaillée, mais on peut anticiper que ce revirement pourrait entraîner une révision de la pratique des décotes lors de la cession de sociétés translucides, notamment des SCI. L’intégration par l’administration fiscale de cette décision dans sa doctrine sera un bon indicateur de la suite qu’elle voudra bien donner à cette affaire : on connaît le proverbe, jamais deux sans trois !
Arsene – Groupe Immobilier