Les livraisons de terrains à bâtir et d’immeubles achevés depuis plus de 5 ans soumises à TVA peuvent être assises dans certains cas sur la marge réalisée par le vendeur. Tel est le cas lorsque l’acquisition préalable du bien par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la TVA (par exemple, acquisition du bien auprès d’une personne non assujettie à TVA).
L’administration fiscale avait ajouté à cette condition de non-déduction de la TVA d’amont, une condition d’identité entre l’acquisition et la revente des caractéristiques physiques (bien strictement identique en termes de superficie du tènement foncier par exemple) et juridiques (un terrain à bâtir ou immeuble devait conserver la même nature juridique). Cette condition d’identité avait introduit une véritable insécurité juridique notamment sur les opérations en cours d’aménageurs et lotisseurs qui procèdent par définition à des divisions parcellaires.
Cette position avait été confortée par quatre réponses ministérielles en 2016 [1] avant d’être partiellement abandonnée dans une réponse ministérielle dite Vogel de 2018 [2] venue supprimer le critère d’identité physique du bien.
C’est sur cette question précise d’existence d’une condition d’identité pour l’application de la TVA à la marge qu’un arrêt du Conseil d’Etat rendu le 27 mars 2020 est venu apporter des précisions [3]. Une société agissant en tant que marchand de biens avait acquis un terrain bâti sur lequel était édifié un immeuble avant de procéder à sa démolition et division parcellaire. La société a par la suite revendu des parcelles de terrains à bâtir issues de ces opérations.
La Cour d’appel avait validé l’application de la TVA sur la marge à la revente en considérant sans incidence la modification des caractéristiques physiques et de la qualification juridique du bien entre l’acquisition et la revente.
Le Conseil d’Etat vient invalider cette position. Interprétant l’article 268 du CGI à la lumière de la directive qu’il transpose en droit français [4], le Conseil d’Etat considère que la modification des caractéristiques physiques et juridiques du bien faisait obstacle à l’application de la TVA sur marge.
Il convient de noter que si le Conseil d’Etat casse la décision de la Cour d’appel en ce qu’elle a permise l’application de la TVA sur la marge sans rechercher si le bien avait fait l’objet de modifications tant physiques que juridiques, cette décision doit être lue à la lumière de la réponse Vogel précitée qui ne retient plus la condition d’identité physique.
En conclusion, cette décision vient principalement sécuriser les opérations de lotisseurs ou aménageurs. Ces derniers pourront ainsi toujours donc procéder à des divisions parcellaires de terrains à bâtir (sans procéder à des démolitions) avant la revente en collectant une TVA réduite sur la marge dès lors que l’acquisition initiale des terrains n’aura pas ouvert droit à déduction de la TVA.