Tax alert 04 février 2021

L’assiette de la C3S mise à plat : exclusion des transferts intracommunautaires confirmée !

Par deux arrêts en date du 29 janvier 2021[1], la Cour d’appel de Paris, tirant les conséquences de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après, CJUE), a estimé que les transferts de stocks intracommunautaires doivent être exclus de l’assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés (ci-après, C3S).

Pour mémoire, l’assiette de la C3S est composée du chiffre d’affaires déclaré à l’administration fiscale l’année précédant celle du paiement de la contribution[2]. En pratique, l’assiette est composée du chiffre d’affaires reporté sur les lignes 01 (ventes, prestations de services), 04 (exportations), 05 (autres opérations non imposables) et 06 (livraisons intracommunautaires) des déclarations CA3 déposées en N-1. A ce titre, les transferts de stocks intracommunautaires assimilés pour les besoins de la TVA à des livraisons intracommunautaires et reportables en tant que tels sur la ligne 06 de la déclaration de TVA, étaient pris en compte, de facto, dans l’assiette de la C3S.

Dans un arrêt Lubrizol France SAS du 14 juin 2018[3], la CJUE avait estimé que la prise en compte des transferts de stocks intracommunautaires dans l’assiette de la C3S, au moment desdits transferts, était conforme au droit de l’Union européenne à condition notamment qu’un mécanisme de déduction soit prévu.

La Cour d’appel de Paris, en tant que juridiction de renvoi de la Cour de cassation[4], tire les conclusions de cet arrêt. Celle-ci confirme qu’en l’absence d’un tel mécanisme de déduction, les transferts de stocks intracommunautaires ne doivent pas être pris en compte dans l’assiette de la C3S. En effet, la Cour rejette les arguments développés par l’URSSAF, dans le cadre de ces procédures, en jugeant que (i) le remboursement des contributions sur le fondement de l’article L.243-6 du Code de la sécurité sociale ne s’apparente pas à un mécanisme de déduction, et en tout état de cause, (ii) les régularisations possibles sur les déclarations de TVA (lignes 3C et 7B) ne s’appliquent pas aux transferts de stocks intracommunautaires.

Cette solution vient opérer, selon nous, une rationalisation espérée du chiffre d’affaires à exclure de l’assiette de la C3S (cf. notre tribune en 2018 : https://arsene.tryproject.ovh/actualites/la-c3s-limmortelle).

En conséquence de cette jurisprudence, le chiffre d’affaires soumis à la C3S doit être diminué du montant des transferts de stocks intracommunautaires à reporter en ligne 06 de la CA3.

En pratique

Cette jurisprudence constitue, selon nous, une avancée positive pour les assujettis à la C3S réalisant de tels transferts.

Pour mémoire, la prochaine déclaration C3S doit être déposée avant le 15 mai 2021 sur le chiffre d’affaires reporté sur les déclarations de TVA déposées en 2020. A cette occasion, il serait intéressant de revoir le calcul de la C3S, et le cas échéant, de procéder à des éventuels ajustements.

Au-delà de la C3S déclarée en 2021, cette jurisprudence devrait ouvrir la voie, pour le passé, à des réclamations contentieuses dont il conviendra de déterminer la portée et le montant, au cas par cas. Une réflexion relative à cette opportunité devra donc être menée. Pour rappel, ces réclamations peuvent s’exercer jusqu’à l’expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due, c’est-à-dire qu’elles peuvent porter sur la C3S payée en 2018 sur le chiffre d’affaires déclaré au titre de l’année 2017.

Par ailleurs, les opérateurs doivent également retenir que d’autres actions permettent de limiter l’assiette de la C3S, et donc, d’avoir une gestion efficiente des taxes indirectes, en excluant de l’assiette :

  • les prestations de services rendues à des sociétés non établies en France qui sont reportées en ligne 05 de la CA3 ;
  • des commissions perçues au titre des activités d’intermédiaire opaque ;
  • des ventes dites « étranger sur étranger » ;
  • ou encore, des « transferts à l’exportation » non constitutifs de chiffres d’affaires.

En tout état de cause, chacune de ces opportunités doit faire l’objet d’une étude particulière, en amont de toute modification ou réclamation.

Notre équipe TVA se tient à votre disposition pour toute précision souhaitée, concernant la portée de ces arrêts, et vous assister, dans le cadre d’une étude d’impacts en matière de C3S et, le cas échéant, du dépôt de réclamations.

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[1] CA Paris, 29 janv. 2021, 19/09480, Sté Lubrizol et CA Paris, 29 janv. 2021, 19/10162, Sté Renault Truck
[2] CSS art. L. 651-5, al 1
[3] CJUE, 14 juin 2018, aff. C-39/17, Lubrizol France SAS c. RSI
[4] C. Cass, 2e civ, 20 décembre 2018, n°15-21434 et n°15-26723
[5] CGI Art. 259, 1°
[6] CSS Art. L. 651-5