Tax alert 08 novembre 2021

TVA sur marge : Décision Icade Promotion

Dans une décision Icade Promotion SAS en date du 30 septembre 2021[1], la Cour de Justice de l’Union Européenne (« CJUE ») est venue préciser deux aspects du régime de la TVA sur marge codifié à l’article 268 du code général des impôts. Ces éclairages apportés sur le régime de la TVA sur marge permettent de venir sécuriser un régime qui est sujet, de manière régulière, à controverse doctrinale et jurisprudentielle (voir en ce sens notre Tax Alert du 8 avril 2020).

Pour rappel

L’article 268 du CGI[2] dispose que « s’agissant de la livraison d’un terrain à bâtir ou [d’un immeuble achevé depuis plus de cinq ans lorsque l’option a été formulée], si l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, [la TVA sur la marge s’applique]. »

Autrement dit, le régime de la TVA sur la marge s’applique lorsque (i) l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction et (ii) lorsque les livraisons d’immeubles acquis et revendus gardent la même qualification.

Malgré la présence de deux conditions a priori simples, deux principales questions se posaient sur (i) le sens de la notion de « droit à déduction » et (ii) sur ce qu’il fallait entendre par « même qualification ».

Afin de mettre fin à la difficulté d’interprétation de l’article 392 de la directive TVA[3], le Conseil d’État[4] avait posé deux questions préjudicielles à la CJUE, pour des faits antérieurs à la réforme de la TVA immobilière du 9 mars 2010.

La première question avait pour but de préciser la portée de la condition relative au régime d’acquisition du terrain, plus particulièrement de savoir si la notion de « doit à déduction » ne visait que l’hypothèse stricte où l’assujetti n’avait pas eu le droit de déduire la TVA lors de l’acquisition initiale de l’immeuble ou si elle englobait, aussi, l’ensemble des hypothèses dans lesquelles l’opération n’avait pas pu ouvrir droit à déduction.

La deuxième question avait pour objectif de savoir s’il était nécessaire que le bien revendu soit identique au bien initialement acquis quant à sa qualification juridique et ses caractéristiques physiques.

Éléments clés pour sécuriser le régime de TVA sur marge

  1. S’agissant de l’appréciation du « droit à déduction » au titre de l’acquisition par l’assujetti-revendeur :

La Cour conditionne l’application du régime de la TVA sur marge aux acquisitions :

  • avec TVA qui n’a pas pu faire l’objet d’une déduction par l’assujetti-revendeur ; et
  • sans TVA  et dont le vendeur initial n’avait pas pu lui-même déduire la TVA supportée.

Selon la Cour, cette interprétation respecterait la finalité du dispositif qui serait que l’application du régime de la TVA sur marge viendrait compenser une rémanence de TVA non déductible et permettrait d’assurer la neutralité de l’opération au regard de la TVA.

A contrario, il semblerait que la Cour estime que la TVA sur marge ne s’applique pas lorsque l’acquisition par l’assujettirevendeur (i) a été réalisée sans TVA (i.e., hors du champ ou exonérée) et (ii) que le vendeur initial avait pu déduire ou n’avait pas supporté de TVA.

  1. S’agissant de la condition d’identité entre le bien revendu et le bien acquis:

La CJUE a confirmé l’interprétation que le Conseil d’Etat avait donné dans sa décision SARL Promialp[6], en indiquant que seule la condition d’identité de qualification juridique est nécessaire entre le bien acquis et le bien revendu. La condition d’identité des caractéristiques physiques est donc définitivement abandonnée.

La Cour admet ainsi que les différentes opérations de viabilisation ou encore de division parcellaire ne sont pas de nature à écarter l’application du régime de la TVA sur la marge.

A contrario, le changement de qualification juridique (e.g., passage d’un terrain à bâtir à un terrain bâti ou d’un terrain bâti à un terrain à bâtir) du bien vendu entre son acquisition et sa revente ne permettrait pas de pouvoir bénéficier du régime de la TVA sur la marge.

Étant donné l’interprétation de la Directive par la CJUE particulièrement claire, y compris, selon nous, pour des situations contemporaines à la réforme de la TVA immobilière de 2010, une modification du champ du régime de la TVA sur marge parait nécessaire. En tout état de cause, des commentaires de l’administration fiscale seraient les bienvenus afin de sécuriser la situation des entreprises.

Équipes Immobilier & TVA

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[1]      CJUE, 1re ch., 30 sept. 2021, aff. C-299/20, Icade Promotion SAS.
[2]      Transposition de l’article 392 de la directive TVA,
[3]      Directive n° 2006/112/UE relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée.
[4]      CE, 3e et 8e ch., 25 juin 2020, n° 416727, Sté Icade Promotion Logement, concl. M.-G. Merloz.
[5]      Du fait, (i) d’une acquisition auprès d’un non assujetti (hors champ) ou (ii) d’une acquisition auprès d’un assujetti mais qui n’aurait pas opté pour la TVA lors de la cession du bien (exonérée)
[6]      CE, 8e et 3e ch., 27 mars 2020, n° 428234, min. c/ SARL Promialp.